Jean-Baptiste Mouret récompensé pour ses travaux sur la vie artificielle

19 septembre 2019

Jean-Baptiste Mouret, directeur de recherche Inria, dans l’équipe Larsen, commune à Inria et au Loria, a reçu le prix du meilleur article des dix dernières années de la société savante ISAL pour son article The evolutionary origins of modularity , coécrit avec Jeff Clune (professeur associé à l’Université du Wyoming) et Hod Lipson (professeur à Columbia New York) et publié en mars 2013. La société savante ISAL (The International Society for Artificial Life) vise à promouvoir la recherche et l’éducation sur la vie artificielle : une démarche scientifique qui vise à mieux comprendre le vivant en tentant d’en reproduire les mécanismes sur un ordinateur, un robot ou même des substrats chimiques. Le prix décerné à Jean-Baptiste Mouret récompense tous les ans un article écrit dans la décennie précédente et ayant eu un impact important dans le domaine de la vie artificielle.

 

De l’évolution des réseaux biologiques à l’évolution des espèces

L’article primé essaie de mieux comprendre l’évolution des réseaux biologiques et, par extension, la capacité des espèces à s’adapter lorsque l’environnement change. Par réseaux biologiques, on entend des réseaux d’interaction de protéines ou bien des réseaux régulateurs de gènes, c’est-à-dire une représentation abstraite des interactions entre les molécules dans les cellules.

Les réseaux que l’on observe dans la nature sont très souvent modulaires, c’est-à-dire qu’ils sont faits de groupes d’entités dont les membres interagissent plus entre eux qu’avec les membres des autres modules. Cette propriété permet d’accélérer l’évolution car cette organisation en petits groupes fonctionnels facilite les réorganisations lorsque l’environnement change, par opposition à un réseau non modulaire qui est difficile à adapter sans tout changer. C’est d’ailleurs une propriété bien connue des informaticiens : concevoir un logiciel sous forme de modules permet de réutiliser ceux-ci pour des logiciels futurs ou pour adapter ces derniers à de nouveaux besoins.

La question que pose l’article est “comment cette modularité est-elle apparue ?”.
La réponse n’est pas évidente car la modularité apporte un avantage sélectif à long terme (en cas de besoin d’adaptation), mais pas à court terme (des réseaux légèrement plus modulaires ne permettent pas à un individu d’améliorer ses chances de reproduction). Or, l’évolution ne peut sélectionner qu’à court terme (de génération en génération). Le principe même de la modularité n’est pas toujours instinctif : les enseignants en informatique constatent souvent la nécessité d’expliquer aux élèves l’intérêt d’organiser leur code en modules (ou fonctions), alors que les élèves ont tendance à tout écrire dans une unique fonction.

Selon Jean-Baptiste Mouret et ses collègues, la pression sélective à réduire les coûts de connexion (le nombre et la longueur des connexions) permet d’expliquer au moins en partie l’apparition de la modularité dans les réseaux biologiques. Pour explorer cette hypothèse, de nombreuses simulations simplifiées du processus évolutionniste ont été réalisées. Ces simulations montrent qu’ajouter une pression sélective explicite pour réduire les coûts de connexion augmente la modularité des réseaux, ce qui leur permet ensuite de s’adapter en moins de générations quand l’environnement change. Cette pression peut se combiner, de plus, avec d’autres effets comme la pression à s’adapter à des changements cycliques de l’environnement.

Tiercé gagnant !

Un tiercé gagnant pour Jean-Baptiste qui s’est déjà vu décerner d’autres prix de cette même société savante ! En 2016 il reçoit le ISAL Award for Outstanding Paper of 2015 (pour un autre article) et en 2017 le ISAL Award for Distinguished Young Investigator .

Si Jean-Baptiste ne travaille plus directement sur ce sujet, cet article a été cité par beaucoup d’autres publications et les résultats ont été largement commentés, reproduits et étendus dans d’autres articles traitant de l’évolution de la modularité.

(article rédigé par Véronique Poirel d’Inria Nancy – Grand Est)

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