Des robots minimalement invasifs pour explorer les monuments
6 décembre 2017
L’équipe Larsen commune à Inria et au Loria développe, en partenariat avec l’Institut des sciences du mouvement (CNRS & Aix-Marseille Université), des robots miniatures et semi-autonomes capables d’explorer les parties inaccessibles des monuments. Et ce, en laissant le minimum de traces.
Le projet ScanPyramid a récemment créé la sensatio. Dans la prestigieuse revue Nature, une équipe de chercheurs regroupant de nombreux partenaires scientifiques dont Inria, révélait l’existence d’un grand vide au sein de la Pyramide de Khéops à Gizeh. Mais une question reste en suspens : comment explorer ce type de cavité dans les monuments (pyramides, grottes ornées, monuments de l’antiquité, etc.) en laissant aussi peu de traces que possible ?
C’est justement ce dont pourraient être capables les robots développés par Jean-Baptiste Mouret , directeur de recherche Inria au sein de l’équipe Larsen) et ses collaborateurs : « Il s’agit de robots minimalement invasifs, capables de se glisser dans des trous de 3.5 cm de diamètre à travers des épaisseurs de pierre de plusieurs mètres, dans le but d’explorer des cavités ou couloirs inaccessibles », résume le chercheur. Une idée née lors du projet ScanPyramids, auquel l’équipe Larsen participe depuis septembre 2016. « Même si nous n’avons pas participé directement aux mesures ayant permis d’identifier la fameuse cavité, le projet nous a fait prendre conscience du type d’environnement et de contraintes dans lesquels pourraient évoluer ces robots », poursuit Jean-Baptiste Mouret, qui a trouvé dans l’archéologie un terrain d’expérimentation idéal : « C’est une application fascinante pour tout roboticien. Elle nous oblige à concevoir un robot extrêmement fiable, autonome en cas de problème, et capable d’évoluer dans un environnement hostile… C’est presque comparable aux robots que l’on envoie sur Mars ! »
Un mini-dirigeable télécommandé et gonflé à l’hélium
Actuellement, les chercheurs de Larsen développent deux robots complémentaires. Le premier, composé d’un tube abritant une caméra orientable, pourra effectuer une inspection préalable en fournissant une vue panoramique en haute définition de la cavité. Si besoin, le second robot réalisera ensuite l’exploration proprement dite. Pour ce dernier, les chercheurs privilégient le concept d’un mini-dirigeable télécommandé qui, après avoir été inséré par le même trou, pourrait être gonflé à l’hélium avant de naviguer dans les pièces. « Le fait de voler permet de s’affranchir de tous les obstacles à terre qui compliquent l’exploration, comme des escaliers ou des débris », précise Jean-Baptiste Mouret. De minuscules drones de type quadri-rotors sont également envisageables, mais présentent de sérieux défis d’autonomie, et de stabilité en vol, compromettant la réalisation de photos nettes. « Un mini-dirigeable, au contraire, n’a pas besoin de moteurs pour se maintenir en l’air, bénéficie d’une bonne stabilité et d’une meilleure sécurité vis-à-vis du monument puisque les risques liés à une collision sont moindres », souligne le chercheur.
Une telle approche nécessite néanmoins de relever de grands défis, comme l’intégration d’une panoplie de capteurs, de systèmes mécaniques et d’un système de gonflage dans une capsule de seulement trois centimètres de long. Pour les surmonter, l’équipe Larsen a déjà réalisé plusieurs prototypes et multiplié les essais de vol. Selon une approche interdisciplinaire chère à Inria, le robot et les capteurs, indispensables à l’orientation semi-autonome du robot, sont développés en étroite collaboration avec l’Institut des Sciences du mouvement (CNRS – Aix-Marseille Université) . Franck Ruffier (équipe Biorobotique) et ses collaborateurs disposent en effet d’une solide expertise sur des capteurs « bioinspirés », mimant la capacité des mouches et abeilles à voler dans un espace encombré tout en utilisant de très faibles capacités cognitives. Ces capteurs fonctionnent en mesurant les vitesses des objets sur la rétine, des algorithmes simples permettant ensuite de se positionner en fonction de chacun sans avoir à recourir à d’imposants traitements en 3D. « Embarqués dans le drone, ces capteurs permettraient de se repérer dans l’espace et d’atterrir précisément sur la station d’accueil, même en cas de perte de contact », prévoit Jean-Baptiste Mouret.
A moyen terme, ces robots pourraient devenir encore plus autonomes grâce aux algorithmes d’intelligence artificielle développés chez Inria par Jean-Baptiste Mouret. En mai 2015, ce dernier avait partagé la couverture de Naturegrâce à ses travaux sur des robots marcheurs résilients, capables d’« improviser » rapidement de nouvelles manières de se mouvoir après avoir perdu l’usage d’un de leurs membres. Si aucune application n’est actée dans le cadre du projet ScanPyramids pour le moment, ces robots de nouvelle génération portent un espoir pour l’archéologie : « Lorsque ces technologies seront prêtes, il sera possible d’investiguer tous types de monuments historiques, et pas seulement des pyramides, dès lors que l’opportunité et les autorisations se présenteront », prévoit Jean-Baptiste Mouret.
Article rédigé par Inria