Pauline Maurice, la robotique collaborative dans l’industrie 4.0

23 janvier 2020

En octobre 2019, Pauline Maurice a intégré l’équipe LARSEN (commune à Inria et au Loria) en tant que chargée de recherche CNRS, après 2 ans de postdoc dans cette même équipe, au sein du département 5 : Systèmes complexes, intelligence artificielle et robotique. Son portrait en quelques questions.

 

1. Sur quelle thématique scientifique travaillez-vous ?

Je travaille sur le thème de la robotique collaborative, plus précisément sur l’étude du mouvement humain et de l’aide que lui apporte le robot. Mon but est de proposer à l’individu un accompagnement personnalisé en fonction des gestes qu’il réalise pour exécuter une tâche. Pour cela, j’analyse et modélise le mouvement humain en interaction avec un robot. Ceci se base sur des études expérimentales et des outils de simulation.

 

2. Quelles applications concrètement ?

Mes recherches sont axées sur les problèmes de troubles musculo-squelettiques que peuvent rencontrer les salariés dans l’industrie. Mon rôle va être de concevoir des robots qui vont accompagner l’humain dans son mouvement en fonction de l’objet à saisir et de l’action, des spécificités de la personne (variant d’un individu à l’autre), mais aussi pour un même individu, au cours du temps.
Un exemple intéressant est l’exosquelette : il permet de bien anticiper les mouvements de l’homme et l’assiste dans les tâches les plus difficiles. Cependant, l’exosquelette n’est pas là pour forcer le mouvement de l’individu car cela peut engendrer de l’inconfort, voire une résistance physique qui irait à l’encontre du but de la robotique collaborative. Selon moi, le geste humain n’est pas systématiquement remplaçable par le robot, car il a une valeur ajoutée dans le monde de l’industrie. La machine ne se substitue pas nécessairement à l’homme, elle est là pour guider la personne vers les bons gestes.

Lors de mes recherches pour le AnDy*, j’ai analysé des entretiens menés avec des salariés sur leur lieu de travail. J’ai remarqué que les personnes pouvaient avoir une certaine résistance, voire peur à l’idée qu’un robot vienne les assister. Par ailleurs, sur des tâches vraiment exigeantes les individus sont plus en demande d’assistance robotique. Quant aux industriels, il est difficile pour eux de mesurer et saisir l’application de ce type de recherche sans pouvoir évaluer le retour sur investissement. Pour favoriser l’avancée de la recherche dans ce domaine, nous avons besoin de plus de maillons entre le monde scientifique et les industriels.

 

3. Quel a été votre parcours d’études et professionnel ?

Après deux ans de classe préparatoire intenses, je suis entrée à l’École Polytechnique de Paris, et je me suis spécialisée en génie mécanique et robotique en 2011. J’ai obtenu mon master de mécanique orienté en robotique à l’Université Pierre et Marie Curie à Paris, puis j’ai poursuivi mes études en réalisant un doctorat en robotique dans le même établissement, en partenariat avec le CEA-LIST. En 2015, j’ai soutenu ma thèse intitulée « Ergonomie virtuelle pour la conception de robots collaboratifs » et je suis devenue docteur.

Pendant mon cursus universitaire, j’ai fait plusieurs stages dans des domaines touchant à la mécanique et à l’électronique, avant de me spécialiser en robotique en master 2, et plus particulièrement lors de ma thèse en robotique collaborative, interaction homme-robot et ergonomie. J’ai réalisé mon postdoc au Action Lab, un laboratoire de Northeastern University, à Boston sur les neurosciences motrices et l’interaction humain-robot, puis un second au sein de l’équipe LARSEN où j’ai travaillé sur la robotique collaborative.

 

4. Quels sont vos projets actuels et à venir ?

Aujourd’hui, j’étudie le mouvement humain pour l’interaction physique entre Homme-machine. Il existe des modèles types pour une action donnée qui m’aide à programmer le robot. Cependant chaque individu réalise un geste à sa façon, par conséquent il sera variable selon votre morphologie, vos habitudes ou encore votre état physique (fatigue, articulations douloureuses, force musculaire, etc.). Tous ces facteurs d’influences font que le mouvement peut varier d’une personne à l’autre.
Ainsi, peut-on aller vers des modèles plus personnalisés ? Oui, pour cela je dois analyser et tester les nombreux mouvements réalisés pour une action précise afin de proposer un aide robotique qui soit la plus adaptée à la personne. Je dois collecter des données en amont pour prédire un maximum les mouvements et optimiser l’ergonomie.

Je souhaite également explorer la quantité de variabilité selon les environnements de travail. Lister les gestes humains et produire des schémas pour optimiser les mouvements. Pouvoir éventuellement, proposer à un individu en particulier un type de mouvement idéal à faire. Mon travail s’axe sur « l’acceptabilité » de la technologie (robotique) par les utilisateurs et je souhaite continuer dans cette direction. J’oriente donc mes recherches vers des systèmes qui aident le geste en tenant compte des spécificités de l’individu, pour que ce soit intuitif, peu perturbant et par conséquent plus facile à accepter par l’humain.

 


*AnDy, Advancing Anticipatory Behaviors in Dyadic Human-Robot Collaboration, est un projet innovant qui a pour ambition de doter des robots collaboratifs, des exosquelettes ou des robots compagnons, de propriétés leur permettant de coopérer avec les êtres humains dans des environnements industriels et domestiques, en interprétant les demandes physiques et en réduisant les risques de blessures.