Lutter contre la fraude dans les cryptomonnaies : l’alliance de l’économie et de l’informatique

28 janvier 2022

En quelques années, le numérique a révolutionné les systèmes monétaires. Les cryptomonnaies ont connu une véritable envolée, avec aujourd’hui plus de 15 000 cryptoactifs pour une valeur de plus de 2000 milliards d’euros. Mais quels sont les risques de cette nouvelle monnaie entièrement décentralisée ? Nous avons rencontré Abdessamad Imine, maître de conférences HDR dans l’équipe Pesto du Loria (CNRS, Inria, Université de Lorraine) et Yamina Tadjeddine-Fourneyron, professeure au BETA, pour en savoir plus leur projet de recherche sur la détection de fraude dans les cryptomonnaies.

Deux parcours complémentaires

Les sujets de recherche de Yamina Tadjeddine-Fourneyron vont de la socio-économie de la finance aux systèmes monétaires, en passant par la spéculation financière. Le récent « boom » des cryptomonnaies a naturellement suscité son intérêt dès 2018, avec des travaux sur le bitcoin. Depuis juin 2021, elle est titulaire de la chaire EFNUM (Économie, Finance, Numérique), portée par la MSH Lorraine, l’Université de Lorraine et le CNRS, autour des transformations du système monétaire et financier induite par la révolution numérique.

 

Abdessamad Imine est quant à lui spécialiste des protocoles de sécurité et des systèmes distribués. Il s’intéresse plus particulièrement aux problèmes de privacy, c’est-à-dire de vie privée, notamment sur les réseaux sociaux. Son rôle est de protéger les victimes en bloquant les fuites de données sensibles et en garantissant leur confidentialité. Pour cela, il utilise des méthodes basées sur le machine learning afin d’évaluer les risques et proposer des contre-mesures efficaces face à ces vulnérabilités.

Le duo a vite trouvé des intérêts communs et l’idée de travailler sur les risques de fraude dans le monde de la cryptomonnaie a émergé.

La genèse du projet ? Une rencontre des deux chercheurs grâce à Maíra Nassau, project manager DigiTrust, qui a perçu une complémentarité et les a mis en relation. « Je suis de près les actualités et technologies autour des cryptomonnaies et la blockchain, j’ai donc voulu tenter une expérience de collaboration sur ce sujet ! », nous confie Abdessamad Imine. « Il est important de souligner le rôle des personnels de soutien à la recherche dans ce genre de partenariat, souligne Yamina Tadjeddine-Fourneyron. Il existe une vraie culture de l’interdisciplinarité à l’Université de Lorraine, c’est très stimulant. »

La cryptomonnaie, à la croisée de la finance et de la cybersécurité

Les crypto-actifs fonctionnent sans tiers de confiance (par exemple, une banque centrale pour les monnaies légales) et reposent sur la blockchain, à travers un système distribué décentralisé. Est-ce qu’un tel réseau pair à pair peut fonctionner sans régulation publique ? Quels sont les risques encourus par ses utilisateurs ? « Pour comprendre ces risques, j’ai besoin de pouvoir analyser le fonctionnement concret du système. C’est ici que les compétences d’Abdessamad sur les systèmes décentralisés, la théorie des graphes et les réseaux sont essentielles », explique Yamina Tadjeddine-Fourneyron. « La cryptomonnaie est un système de finance dont la structure est basée sur des protocoles informatiques, il est donc indispensable d’attaquer ce problème avec une double casquette ! Yamina apporte sa connaissance pointue des mécanismes financiers », ajoute Abdessamad Imine.

Un sujet de recherche novateur

La collaboration en est vraiment à ses prémices, mais les deux chercheurs ont d’ores et déjà développé une belle dynamique. Un sujet de thèse visant à la détection de situations de fraudes par des techniques de machine learning a été soumis et permettra de travailler concrètement sur le projet.

Un club d’étudiants chercheurs sur la cryptomonnaie est également en cours de création dans le cadre du projet Orion (Oser la Recherche durant la formatION).

« Cette approche entre économie et informatique pour étudier la fraude est novatrice et assez rare… cela nous motive à concrétiser notre coopération ! », s’enthousiasment les deux chercheurs.